J’en ai déjà parlé ici, j’ai décidé en 2017 de me tourner vers la pellicule.
Voici plusieurs raisons qui m’y pousse.
1) Pour réfléchir, prendre mon temps
J’ai déjà eu un plein capteur numérique. C’était une mitrailleuse, j’en connaissais le fonctionnement et je pouvais prendre des photos à la vitesse de l’éclair. Cette technicité venait cependant avec un mauvais côté: je ne regardais plus ce que je faisais. Tout était du par coeur, tel type de lumière et de traitement demandait tel type de réglage, mais qu’en était-il de la composition? Du ressenti? De mon intention? Je disparaissais derrière mon outil de travail. J’ai donc vendu mon équipement et me suis tourné vers une alternative: un hybride. J’y ai trouvé un entre-deux entre un outil rapide et un outil artistique, et puis petit à petit je me suis mise à utiliser de plus en plus la pellicule. Je compte mes photos, je les planifie, je les visualise. Je suis beaucoup plus satisfaite de ce que je produis et j’ai beaucoup plus de photo que je considère réussie et aimée par 36 poses, que si j’avais continué à travailler avec un plein capteur ultra rapide.
2) Pour l’effet de surprise, comme si je me faisais un cadeau
voir apparaitre les images en négatif lorsque je déroule le film fraichement développé est tout simplement magique, mais le clou du spectacle est lorsque j’expose mon papier et l’immerge dans le développeur. L’image apparait petit à petit, et s’en suit une espèce d’ivresse, ou de déception, selon l’effet obtenu. Chaque photo est une surprise, même si j’ai d’avance mentalisé le résultat final, que je l’ai par la suite bien exposé, contrasté et travaillé. Voir apparaitre une photo de cette façon n’est rien comparé à ouvrir un fichier dans l’ordinateur.
3) Pour la satisfaction, reliée à la fabrication d’un objet
Ouvrir un fichier dans un ordinateur ne procure pas la même sensation que de tenir sa propre impression dans ses mains. Les étapes de la fabrication d’une seule photographie argentique passent par tout un rituel de geste, parfois plus ou moins précis, qui participe tout au produit final. Avec un ordinateur, ce n’est pas notre main qui dirige, c’est une série d’algorithmes qui font exactement la même chose à chaque fois qu’ils sont sollicités. Numériquement, je peux traiter une photo plusieurs heures de suite avant de trouver un traitement qui me parle, car la machine ne sait pas ce que je veux. Par contre en pellicule, j’ai tout choisi, mes mouvements sont l’algorithme qui permettra à l’image d’apparaitre. Si je choisis une pellicule Kodak Tri-X 400, je sais exactement quelle texture, quelles nuances de gris j’aurai, je sais d’avance que ma photo sera telle que je le souhaitais, sans avoir à la traiter.
4) Pour le caractère propre à chaque pellicule, chimie et papier
Certains photographes qui utilisent de la pellicule vont la scanner et la traiter dans l’ordinateur. Je trouve que cette façon de faire réunit le pire des deux mondes, c’est-à-dire le coût de la pellicule et la perte de la création physique. Je ne dis pas que parfois ce n’est pas pratique, cependant chaque pellicule ayant un caractère qui lui ai propre en terme de texture, de profondeur, de couleur, je trouve qu’elle perd de son caractère en étant numérisé pour être modifiée. Quand l’on sait que le choix du développeur, la durée du développement, le papier utilisé, etc., modifient la texture et le rendu de la pellicule, pourquoi s’en passer? Chaque photo peut manuellement être micro ajusté selon les choix fait au tout début de la prise de vue, que ce soit le type de film, de développement de papier, rien n’est laissé au hasard. Il peut y avoir des surprises heureuses, mais si c’est le cas, elles deviennent uniques et n’en sont que plus spéciales.
Par contre parfois il faut choisir la méthode qui nous convient le mieux. J’ai vite réalisé que j’avais des contraintes d’espace relié à mon environnement, et que de louer un laboratoire complet pouvait être onéreux. C’est ici que de développer ses pellicules et les scanner réunit le meilleur des deux mondes! Je peux expérimenter tout en conservant le caractère unique de chaque pellicule, mais le faire à la maison et scanner le résultat. Une économie de temps et d’argent est ainsi réalisée, car je n’ai plus à me déplacer et j’achète moins de papier, car je n’imprime que peu de photo, ce qui m’amène au point suivant.
5) Pour conserver, pour imprimer un travail qui numériquement ne l’est pas souvent
On ne se le cachera pas: nous imprimons rarement nos photos. Ne me dites pas le contraire! Instagram, Facebook, Flickr, 500px, sont devenus nos repositoires virtuels et permanents. Pourquoi devrais-je imprimer? Pour conserver. Qui dans votre famille ou vos amis conserveront des vieux disques durs qui seront considérés hyper lents dans 60 ans? Très peu de gens et seulement s’ils n’ont pas brisé avant. Les photos imprimées seront conservées avec plaisir, regardées avec intérêt et peut-être amour. Imprimer soit même mes photos est une façon de conserver mes souvenirs sans l’aide de machine automatique qui décident pour moi et qui un jour seront désuettes. Ne sachant pas comment la technologie sera évoluée d’ici à ce que j’aie 40 ans de plus, je préfère m’équiper de souvenir et m’entourer de ce que j’aime regarder.
Bien entendu, ceci n’est que mon opinion, qui ne vous engage à rien. Je travaille en numérique pour certaines occasions qui demande plus de rapidité, mais pour mon travail personnel, rien ne me permet de revivre et d’apprécié la prise de vue initiale comme de développer ma pellicule.